PORT-TARASCON by Alphonse Daudet

PORT-TARASCON by Alphonse Daudet

Auteur:Alphonse Daudet [Daudet, Alphonse]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romans
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2011-01-14T05:00:00+00:00


Chapitre III

Il pleut toujours – Invasion de maladies aqueuses – La soupe à l’ail. – Ordre du gouverneur – L’ail va manquer ! – L’ail ne manquera pas. – Le baptême de Likiriki…

Cependant toujours la mouillure, toujours le ciel gris et l’eau qui tombait, qui tombait… Le matin, en ville, on voyait s’entrouvrir les fenêtres, des mains se tendre dehors :

« Il pleut ?

– Il pleut !… »

Il pleuvait continuellement, comme dans les récits de Bézuquet.

Pauvre Bézuquet ! Malgré tant de misères endurées avec ceux de la Farandole et du Lucifer, il était resté à Port-Tarascon n’osant retourner en terre chrétienne à cause de son tatouage. Redevenu pharmacien et aide-major de classe très infime sous les ordres de Tournatoire, l’ancien gouverneur provisoire aimait encore mieux cela que d’exhiber dans les pays civilisés sa figure monstrueuse et ses mains toutes piquetées et carminées. Seulement il se vengeait de ses malheurs en faisant à ses compagnons les prédictions les plus sinistres. S’ils se plaignaient de la pluie, de la boue, de la moisissure, il haussait les épaules :

« Attendez un peu… Vous en verrez bien d’autres ! »

Et il ne se trompait pas. De vivre ainsi toujours trempés, par là-dessus le manque de viandes fraîches, beaucoup tombèrent malades. Les vaches étaient depuis longtemps mangées. On ne comptait plus sur les chasseurs, quoiqu’il y eût parmi eux des tireurs très adroits, tels que le marquis des Espazettes, et tous pénétrés des principes de Tartarin, deux temps pour la caille, trois temps pour la perdrix.

Le diable, c’est qu’il n’y avait ni perdrix, ni cailles, ni rien de semblable, pas même de goélands ni de mouettes, aucun oiseau de mer n’abordant jamais ce côté de l’île.

On ne rencontrait dans les excursions de chasse que quelques porcs sauvages, mais si rares ! ou des kangourous, d’un tir très difficile à cause de leurs bonds sautillants.

Tartarin ne pouvait dire au juste combien il fallait compter pour cet animal. Un jour le marquis des Espazettes l’interrogeant à ce sujet, il répondit un peu au hasard :

« Comptez six, monsieur le marquis… »

Des Espazettes compta six et n’attrapa rien qu’un gros rhume sous la pluie à torrents et indiscontinue.

« Il faudra que j’y aille moi-même, » dit Tartarin ; mais il remettait toujours la partie, à cause du mauvais temps, et la venaison se faisait de plus en plus rare. Certainement les gros lézards n’étaient pas mauvais, mais à force d’en manger on prenait en horreur cette chair blanche et fade, dont le pâtissier Bouffartigue faisait des conserves, d’après les procédés des Pères-Blancs.

À cette privation de viande fraîche s’ajoutait le manque d’exercice. Que faire dehors, sous cette pluie, dans les flaques de boue qui les entouraient ? Noyé, sombré, le Tour-de-Ville !

Quelques vaillants colons, Escarras, Douladour, Mainfort, Roquetaillade, partaient parfois malgré l’averse pour aller bêcher la terre ; remuer leurs hectares, acharnés à des essais de plantations qui produisaient des choses extraordinaires : dans la chaleur humide de cette terre toujours trempée, les céleris en une nuit devenaient des



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